Prix Laurette Fugain & Bourse Jeunes Chercheurs 2024

Partager l'article

Logo SFH

Chaque année, l’association Laurette Fugain lance un appel à projet pour l’obtention du Prix Laurette Fugain et de Bourses Jeunes Chercheurs.

Les candidatures sont évaluées par le Conseil Scientifique et Médical de l’association Laurette Fugain.
Les lauréats sont récompensés lors du congrès annuel de la Société Française d’Hématologie qui a eu lieu le 28 mars 2024.

Prix Laurette Fugain - lauréats 2024

2 lauréats ont reçu cette année le Prix Laurette Fugain pour leur contribution dans la prise en charge des patients atteints de cancers du sang.

Pierre Bercier, Post-doctorant

L’arsenic pour traiter la leucémie ?

La leucémie aigüe promyélocytaire (LAP) est l’une des formes les plus agressives de cancers du sang. Depuis 30 ans, l’arsenic permet de traiter la quasi-totalité des patients, sans que son mode d’action ne soit compris.
Dans son projet, Pierre Bercier s’est intéressé à élucider ce mécanisme, ouvrant de nouvelles perspectives dans le traitement d’autres cancers.

Pierre Bercier travaille au sein d’une équipe de recherche dirigée par le Pr. Hugues de Thé qui étudie la biologie des corps nucléaires PML.
Ces compartiments cellulaires, situés à l’intérieur du noyau, sont formés par la protéine du même nom (PML) et sont impliqués dans la régulation de nombreuses fonctions biologiques essentielles comme la mort cellulaire.
L’équipe s’intéresse à la LAP dans laquelle une anomalie génétique produit une protéine cancéreuse PML-RAR qui empêche la formation des corps nucléaires PML et contribue au déclenchement de la maladie dans laquelle, comme dans tout cancer, les cellules atteintes perdent entre autres fonctions biologiques la capacité à mourir.

De manière remarquable, l’arsenic cible uniquement la protéine cancéreuse PML-RAR responsable de la maladie, sans toucher les cellules saines, constituant le premier traitement anti- leucémique ciblé.

Chez des personnes en bonne santé, Pierre Bercier a découvert que les corps nucléaires PML se formaient lorsque 3 protéines PML voisines s’arriment entre elles via une petite partie de leur structure appelée domaine B2.

Dans la LAP l’arsenic, en se fixant sur le domaine B2, parvient à forcer la formation du trimère et par conséquent celle des corps nucléaires PML. Cela restaure les fonctions biologiques normales des corps nucléaires, dont la mort cellulaire. Les cellules leucémiques sont donc éliminées.
Ainsi, ces travaux expliquent, au niveau moléculaire, l’action de l’arsenic dans cette maladie. Pierre Bercier cherche désormais à créer des molécules moins toxiques mimant l’effet de l’arsenic qui pourraient être utilisées dans le traitement d’autres cancers.

Lucien Courtois, Assistant Hospitalo-Universitaire (AHU)

Les leucémies aiguës lymphoblastiques T (LAL-T) sont des cancers rares qui touchent principalement l’enfant et l’adolescent et, dans une moindre mesure, l’adulte. Elles sont traitées en première approche par chimiothérapie avec de bons résultats, mais les rechutes affectent 30 à 50 % des patients et, en l’absence de protocole adapté, seulement 20 adultes sur 100 survivent à 5 ans.

En effet, les LAL-T sont des pathologies très hétérogènes qui se classent en plusieurs sous-types, appelant la nécessité de mettre au point de nouvelles stratégies basées sur les thérapies ciblées. De précédents travaux avaient montré l’addiction de certains types de LAL-T pour une cytokine fabriquée dans la moelle osseuse : l’interleukine 7 (Il-7). Si on les prive d’Il-7, les cellules leucémiques meurent.
De façon remarquable, ces travaux avaient également montré que le récepteur de l’IL-7 de la cellule cancéreuse pouvaient être inhibé par le Ruxolitinib, un traitement ciblé déjà existant.

En étudiant une cohorte de 200 patients, Lucien Courtois et son équipe ont pu distinguer trois catégories de LAL-T, dont deux sont sensibles à l’inhibition du récepteur de l’IL-7. Cela signifie que 70 % des patients en rechute sont potentiellement éligibles au Ruxolitinib.
De plus, l’équipe a montré que l’efficacité du Ruxolitinib pouvait être améliorée par l’association d’une autre thérapie ciblée : le Venetoclax. Puisque ces molécules sont déjà prescrites pour d’autres maladies, elles pourront passer très rapidement au stade de l’évaluation clinique, et être ainsi administrées aux patients en cas de rechute.

À plus longue échéance, le projet de l’équipe est d’identifier d’autres vulnérabilités des LAL-T, afin de proposer des traitements par thérapies ciblées « à la carte » à chaque patient, selon les caractéristiques de sa tumeur, dans l’espoir d’améliorer le pronostic de cette forme rare et hétérogène de leucémie aigüe.

Lauréats des Prix Laurette Fugain et Bourse Jeunes Chercheurs 2024

Bourse Jeunes Chercheurs - lauréats 2024

4 lauréats ont reçu en 2024 la Bourse Jeune Chercheur qui leur permettra de présenter, lors d’un congrès, leurs derniers travaux ayant fait l’objet d’une publication récente. Ils sont pharmaciens, médecins, biologistes souvent doctorants.

Hugo Bergugnat, doctorant

La leucémie aiguë lymphoblastique B avec réarrangement du gène méthyltransférase (LAL-B KMT2A-r) est considérée comme une forme de leucémie de haut risque chez les enfants et les adultes.

Pour les patients atteints de cette leucémie LAL-B particulière, la stratégie de prise en charge est encore débattue.
L’étude de Bruno Bergugnat a pour objet, dans un premier temps, d’affiner le pronostic des patients adultes atteints de cette leucémie LAL-B KMT2A- r en analysant l’impact pronostique de mutations concomitantes et de la réponse précoce au traitement.

Pour cette étude Bruno Bergugnat et al. partent des données de 3 essais cliniques portés par le Groupe de Recherche sur la Leucémie Aiguë Lymphoblastique de l’Adulte (GRAAL) incluant 13% de patients atteints de la leucémie LAL-B KMT2A- r . La présence d’altérations impliquant les gènes TP53 et/ou IKZF1 a défini un sous-groupe de patients au sein des LAL-B KMT2A-r avec un risque significativement plus élevé de rechute et de décès.  TP53 est un gène suppresseur des tumeurs qui régule de nombreuses fonctions cellulaires comme la mort programmée et IKZF1 intervient dans la différenciation des lymphocytes.

Plus intéressant, Bruno Bergugnat a démontré que le marqueur utilisé en routine pour quantifier la maladie résiduelle (MRD) dans le suivi des LAL-B n’était pas fiable pour cette catégorie de patients, car il engendrait des résultats faussement négatifs, ce qui impacte potentiellement la prise en charge de ces patients.

Bruno Bergugnat a trouvé un nouveau marqueur de suivi (gKMT2A), beaucoup plus fiable, montrant que les patients bons répondeurs précoces avait un excellent pronostic.

Dans l’ensemble, cette étude a révélé une hétérogénéité marquée au sein des LAL-B de l’adulte avec KMT2A-r et fournit de nouveaux biomarqueurs permettant de mieux guider la stratégie thérapeutique.

Hélène Pasquer, médecin doctorante

Les néoplasies myéloprolifératives (NMP) sont des maladies chroniques cancéreuses liées à la multiplication incontrôlée de cellules anormales dans la moelle osseuse. Il existe trois sous types de NMP :
1) la Polyglobulie de Vaquez correspondant à un excès de prolifération des globules rouges,
2) la Thrombocytémie Essentielle, excès de prolifération des plaquettes,
3) la Mélofibrose, maladie due à l’accumulation dans la moelle osseuse de fibres, en remplacement des cellules nécessaires à la formation des cellules sanguines.

Au cours de leur évolution, ces maladies comportent deux risques principaux :
I) un risque d’évolution en maladies plus agressives de type leucémie aiguë et
2) un risque de survenue de caillots à la fois dans les artères et dans les veines.

Pour prévenir le risque de survenue de caillots dans ces maladies, on utilise des scores prédictifs établis à partir de facteurs de risque potentiels. Cependant, ces scores prédictifs présentent plusieurs limites. Tout d’abord, on utilise les mêmes pour prévenir la survenue de caillots dans les artères et dans les veines alors que les mécanismes responsables de ces deux types de complications sont très différents.
D’autre part, on n’a jamais étudié l’impact des anomalies au niveau de l’ADN (génétiques) des cellules NMP sur la survenue des caillots.
A partir de ces deux observations, l’étude d’Hélène Pasquier s’est intéressée à mieux caractériser les facteurs de risque de survenue de caillots dans les artères d’une part et dans les veines d’autre part chez les patients atteints de NMP, afin de créer de nouveaux scores de risque.

Hélène Pasquier a construit un nouveau score de risque prédictif de caillots artériels à partir de l’identification de 4 facteurs de risque impliqués dans leur survenue : âge au diagnostic supérieur à 60 ans, un épisode antérieur de caillot artériel, un facteur de risque cardio-vasculaire (fumer, une pression artérielle enlevée, un taux de sucre dans le sang élevé́ et/ou un taux de cholestérol augmenté) et certaines anomalies génétiques des cellules NMP.
Ce score artériel peut être appliqué aux trois sous types de NMP et présente une performance supérieure à celle des scores actuellement recommandés.

Hélène Pasquier a poursuivi cette étude en construisant un nouveau score de risque prédictif de caillots veineux à partir de l’identification de 2 facteurs de risque identifiés dans leur survenue : un épisode antérieur de caillot veineux et une proportion élevée d’anomalies génétiques caractéristiques des NMP. Malheureusement, ce score ne permet pas de mieux prédire le risque de caillots veineux que les scores actuellement utilisés.

En conclusion, cette étude a donc permis de mieux définir les facteurs de risques spécifiques de la survenue de caillots artériels chez les patients atteints de NMP et le nouveau score artériel permet une meilleure prédiction de ce risque. Par contre, le score veineux devra être amélioré́ dans des études ultérieures probablement par l’identification de nouveaux facteurs de risque plus spécifiques de la survenue des caillots veineux dans les NMP.

Bérénice Schell, médecin doctorante

Les Syndromes MyéloDysplasiques (SMD) sont des maladies de la moelle osseuse touchant le sujet âgé. La moelle osseuse fabrique en continu les cellules sanguines. Dans le cas d’un SMD, la production des cellules du sang est altérée : observation de symptômes d’anémie (pas assez d’hémoglobine dans le sang, essoufflement, fatigue, pâleur) ou détection d’un manque de globules blancs, se manifestant par des infections ou enfin d’un manque de plaquettes provoquant des saignements.

Dans les cas les plus graves, les patients atteints de SMD peuvent évoluer en leucémie aigüe, un cancer de la moelle osseuse. Ceci se produit dans un tiers des cas et est associé à un pronostic défavorable avec une médiane de survie de seulement 30% à 5 ans.

Bérénice Schell fait ses recherches au sein d’une équipe spécialisée dans la réponse immunitaire et principalement dans l’étude des lymphocytes Natural Killer (NK), qui sont les principales cellules anti-leucémiques. 

Il a été décrit que dans les syndromes myélodysplasiques, les lymphocytes NK présentent des défauts qui les conduisent à éliminer moins bien les cellules leucémiques. Ces défauts observés sur les lymphocytes NK sont d’ailleurs corrélés à un mauvais pronostic chez les patients, suggérant qu’ils ont un rôle important à jouer dans la progression de la maladie. En revanche, l’origine de ces défauts et, par conséquent, les mécanismes pouvant les déjouer sont largement inconnus.

Une étude récente, aboutissement d’une collaboration au sein de l’équipe, a porté sur la description d’un mécanisme pouvant expliquer en partie les déficits des cellules NK, liés à une mutation très fréquemment retrouvée dans les syndromes myélodysplasiques. Il était jusque-là peu décrit que les lymphocytes NK, se formant comme les autres cellules du sang, dans la moelle, pouvaient présenter des défauts intrinsèques les empêchant par la suite d’assurer correctement leurs fonctions immunitaires anti-leucémiques et être une potentielle cause de la progression des syndromes myélodysplasiques en leucémie aigüe. Bérénice Schell a contribué à ce travail par l’analyse de données génétiques et épigénétiques produites sur les cellules NK et poursuit ce travail dans la cadre d’une thèse de science pour étudier les cellules NK au cours de la transformation leucémique des syndromes myélodysplasiques. Bérénice Schell se focalise sur leurs interactions avec les cellules stromales de la moelle osseuse qui constituent le « micro-environnement ». Elle observe cette fois des défauts extrinsèques sur les cellules NK, expliqués par l’influence nocive du microenvironnement sur la réponse anti-leucémiques et non pas par une production inadéquate des cellules NK dans la moelle osseuse. L’effet délétère des cellules stromales sur les cellules NK a été caractérisé grâce à des modèles mathématiques appliqués à des données de génomique complexes.

Ce travail est une contribution à l’explication du mécanisme de transformation leucémique au cours des syndromes myélodysplasiques.

Loïc Vasseur, médecin doctorant

Le score LSC17 (Cellule Souche Leucémique-17 gènes)  est complémentaire de la génétique et de la maladie résiduelle dans la leucémie aiguë myéloïde. Loïc Vasseur, et al. Blood advances, 2023.

De nombreux travaux ont montré que la rechute dans la leucémie aiguë myéloïde (LAM) est induite par la résistance au traitement des cellules souches leucémiques. Ces cellules ont des caractéristiques différentes de la plupart des autres cellules constituant la LAM : elles sont très indifférenciées et ont une capacité d’auto-renouvellement ce qui leur permet de pouvoir recréer l’ensemble de la LAM à partir d’une seule cellule. D’autre part, elles se multiplient très peu et sont le plus souvent quiescentes, ce qui les rend plus résistantes à la chimiothérapie. Plusieurs techniques permettent d’estimer leur quantité et leur fonction au diagnostic dans les LAM. En particulier, le score LSC17 a été développé en sélectionnant 17 gènes plus fortement exprimés dans les cellules souches leucémiques par rapport aux autres cellules.

Notre travail avait pour objectif de confirmer l’impact de ce score sur le risque de rechute dans une cohorte de personnes atteintes de LAM en première ligne de traitement. Nous voulions en particulier confirmer que ce score restait pronostique même lorsque l’on prenait en compte la classification de risque génétique ELN22 (European LeukemiaNet 2022) et la quantification de la maladie résiduelle (MRD) en première rémission complète.

Partant des données de patients atteints de LAM, inclus dans le protocole ALFA-0702 (Essai clinique du réseau coopérateur Acute Leukemia French Association), une mesure du score LSC17 a été réalisée. Le score LSC17 varie en fonction de la présence de certaines mutations.

Un score LSC17 élevé était associé à un plus faible taux de rémission complète lorsque l’on prenait en compte la classification ELN22, le taux de leucocytes au diagnostic et l’âge. Un score LSC17 élevé était aussi associé à une survie sans rechute plus faible en prenant en compte ces mêmes variables. Dans le groupe des personnes ayant une LAM avec une mutation de NPM1 qui avait eu une analyse de la MRD en première rémission complète, un score LSC17 élevé était associé à une meilleure survie sans rechute indépendamment du niveau de MRD. En combinant la présence d’un score de LSC17 faible et d’un niveau faible de MRD, on pouvait définir un groupe représentant presque moitié de la population qui avait une survie globale à 3 ans à partir de la rémission complète vraiment très élevé, contrairement au reste des individus.

Le score LSC17 est donc une information pronostique importante au-delà des altérations génétiques et de la MRD. Il est particulier utile dans les LAM avec une mutation NPM1 et identifie un sous-groupe de très bon pronostic.